mercredi 21 novembre 2007

"Criez, criez, on ne saura jamais que vous avez été castrés"


Aujourd'hui, ils luttent avec fougue, appellent à descendre dans la rue, se targuent du fait que les combats politiques ne se livrent pas que dans les hémicycles. Mais demain? Julie Coudry, présidente de la Confédération étudiante, et Bruno Julliard, son homologue de l'UNEF, ne préféreront-ils pas (déjà qu'ils sont bien moins radicaux et vindicatifs que leurs prédécesseurs) le confort des fauteuils de l'Assemblée à l'effervescence des manifestations? Que sont devenus leurs aînés, anciens leaders des mouvements étudiants?

Mai 68 et ses illusions perdues

Daniel Cohn-Bendit : Dany le Rouge, membre du groupe anarchiste Noir et Rouge, s'impose comme le plus provocateur des leaders étudiants et le principal animateur des manifs. Ce qui lui vaut dix ans d'interdiction de territoire // Auteur de Nous l'avons tant aimé la Révolution en 1986, devenu Dany le Vert, il officialise son abandon des idéaux révolutionnaires. Membre du parti écologiste allemand et député européen, le soixante-huitard a aujourd'hui fait du combat pour une Constitution européenne sa principale préoccupation.

Alain Geismar: Il était le dirigeant national des remuants Etudiants socialistes unifiés (ESU). Peu après 1968, il prend la tête de l'organisation maoïste la Gauche Prolétarienne et est condamné à 18 mois de prison pour "provocation directe suivie d'effets, de violence et voies de fait contre les agents de la force publique" // Mitterrand l'aurait libéré de son "inscription gauchiste", selon ses termes. Il rentre alors dans les cercles de pouvoir : inspecteur générale de l'Education nationale, membre du cabinet de Jospin, ministre de Cresson. Il est aujourd'hui prof à Sciences Po.

Jacques Sauvageot
: Il était à l'époque de mai 68 vice-président de l'UNEF et a toujours refusé la violence // Plus de politique pour celui qui est aujourd'hui prof d'histoire de l'art et directeur de l'école des Beaux-Arts de Rennes.

La loi Devaquet et ses révoltes organisées

David Assouline: Ancien membre de la Ligue internationale pour la reconstruction de la IVème Internationale, il est le porte-parole de la coordination étudiante. Ce trotskiste devient l'une des figures du mouvement // Il est un acteur de l'extrême gauche française jusqu'en 1995, date à laquelle il intégre le PS. Aujourd'hui, il est sénateur et fut un des principaux soutiens de Ségolène Royal pendant la campagne (blog de David Assouline).

Isabelle Thomas: Vice-présidente de l'UNEF, elle est déjà membre du PS au moment des manifestations // Après maints échanges politiques ,elle finit par participer, avec Henri Emmanuelli, à la fondation d'Alternative socialiste. Conseillère municipale à Saint-Malo, elle s'ancre à l'extrême-gauche du parti (blog d'Isabelle Thomas).

Reste à savoir ce que vont devenir les leaders actuels. En tout cas, Bruno Julliard semble ne pas faire figure d'exception en se dirigeant vers une carrière politique si l'on en croit le Journal du Dimanche qui informe qu'il figurerait sur les listes PS à Paris pour les municipales de 2008. Espérons seulement qu'ils resteront en adéquation avec leurs convictions, et qu'ainsi le slogan inscrit à la Sorbonne en 68, "O gentils messieurs de la politique, vous abritez derrière vos regards vitreux un monde en voie de destruction. Criez, criez, on ne saura jamais que vous avez été castrés", ne se retournera jamais contre eux.

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