mardi 18 décembre 2007
Action directe, vingt après
C'était une époque où le monde était encore divisé en deux, où le modèle français restait tout cabossé après mai 68, où certains pensaient encore qu'en brûlant des voitures ou en assassinant, le capitalisme allait exploser.
Un optimisme révolutionnaire partagé par de nombreux groupes, en Europe (les Brigades rouges italiennes, le Mouvement ibérique de libération...) comme en France (Gauche prolétarienne, les Noyaux armés pour l'autonomie populaire).
Parmi eux, Action directe, créé en 1979 et auteur d'une cinquantaine d'attentats et assassinats. Si les convictions des leaders de ce groupe dépassaient parfois les postures classiques (en s'affirmant pour la défense des travailleurs immigrés ou contre l'impérialisme américain par exemple), les méthodes meurtrières restaient les mêmes.
Mais Action directe disposait d'un impact médiatique particulier en raison de la notoriété des personnes tuées (Georges Besse, PDG de Renault ou le général Audran, responsable des affaires internationales du ministère de la Défense) et par l'étroite collaboration avec la Fraction armée rouge allemande.
En 1987, l'arrestation des chefs marque la fin du mouvement. Condamnation à la réclusion à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 18 ans. Que sont devenus les quatre leaders d'Action directe?
Ancienne patronne d'une librairie anarchiste, Joëlle Aubron a passé près de 15 ans en prison entre Fleury-Mérogis (Essonne) et Bapaume (Pas-de-Calais). Qualifiant lors du procès Georges Besse de "spoliateur de l'humanité", elle n'a jamais exprimé le moindre regret ou mot d'excuse. "Ethiquement et humainement, il n'est pas question de justifier la mort de quiconque. Mais je ne peux formuler ni regrets ni repentir, je trouverais cela indécent par rapport aux victimes et à ceux qui restent. Ce serait une posture. Je porte en moi cette responsabilité, et pas seulement parce que j'ai été condamnée, mais parce que j'appartenais à cette organisation. A l'époque, ce fut un choix, ce fut la réalité du combat."
Opérée d'un cancer du cerveau, elle a été libérée en 2004, sa peine étant suspendue par la loi relative au droit des malades. Elle est morte en 2006, d'un cancer du poumon.
Membre fondatrice d'Action directe, amnistiée par François Mitterrand en 1981, Nathalie Ménigon, victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux, a exécuté sa peine à Bapaume. A la fin de sa période de sûreté, elle a bénéficié, au même titre que ses trois camarades, d'un soutien populaire (pétition signée par 6500 personnes) et politique (PCF, Verts, LCR, LO) demandant leur libération.
Depuis le mois d'août, elle est en semi-liberté, ce qui lui permet de travailler la journée comme paysagiste et de dormir ensuite en prison, au Muret.
Ancien membre des Groupes d'action révolutionnaire internationaliste en Espagne (ce qui lui a valu un mandat d'arrêt international), Jean-Marc Rouillan est le leader véritable d'Action directe. En prison, il a poursuivi son activité militante (grève de la faim, dénonciation de conditions d'incarcération inacceptables) et intellectuelle (plusieurs livres, "Chroniques carcérales" publiées dans le magazine CQFD). Il a renoncé à la violence, mais pas à ses idées. "Le remords et le repentir devraient toujours incomber aux faibles et jamais aux forts et aux puissants. Pour notre part, nous avons assumé nos choix et nos déterminations. Nous avons tenu à être responsables jusqu'au bout. Vingt ans après, nous le sommes encore. Dans le combat politique, des hommes meurent des deux côtés."
Il est sorti de prison lundi dernier, bénéficiant lui aussi d'un régime de semi-liberté. Il travaille durant la journée comme secrétaire de rédaction chez un éditeur marseillais. Tout en ayant interdiction de s'exprimer dans la presse et obligation de verser 30% de son salaire au Trésor public et à ses victimes.
Ancien fraiseur chez Renault, leader historique d'Action directe, Georges Cipriani est celui qui a le plus mal vécu ses années de détention. Tant et si bien qu'il a dû être interné à l'hôpital psychiatrique de Villejuif en 1993. En 2002, il réintégre la prison d'Einsisheim. Des difficultés qui font qu'il garde aujourd'hui intactes (voire renforcées) toutes ses convictions. "C’est par une telle réalité que la prison a pu conforter ou infléchir mes positions : soit accentuer les luttes revendicatives en prison, soit intensifier la lutte de libération du prolétariat dans la société - pour l’heure, c’est cette dernière option qui a ma faveur."
Soutenu par le collectif "Ne laissons pas faire", Georges Cipriani verra sa demande de semi-liberté examinée au premier semestre 2008.
Parmi les autres membres influents d'Action directe, Régis Schleicher, arrêté en 1984, est en prison depuis plus de vingt ans, pour une fusillade qui a fait deux morts. En 2003, il tente une évasion de la centrale de Moulins. Il demandera sa libération conditionnelle en février.
Cofondateur d'Action directe, chef de la branche lyonnaise, André Ollivier est avec ses trois autres camarades de la section toujours incarcéré.
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